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Journal d'un hot liner fou
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12 août 2006

Déboulonner la statue ?

Il faut parfois lire les journaux étrangers pour avoir un autre son de cloche que le politiquement correct que nous donnent notre propre presse... Tiré de l'édition en ligne du journal belge Le Soir.

"En France, on touche pas à Zizou." Le grand chroniqueur sportif que nous avions sollicité pour en savoir plus sur le capitaine des Bleus botte en touche : non, il ne dira rien sur le vrai Zidane. « C'est trop risqué. » Les uns après les autres, nos interlocuteurs se sont défilés. Pas question de raconter un Zidane autre que celui qui a été fabriqué par les sponsors et les politiques. « Vous êtes un homme de coeur, d'engagement, de conviction. Et c'est pour cela que la France vous admire et vous aime. » Dixit le président de la République lorsqu'il reçoit les Bleus à l'Elysée. Voilà absous le coup de tête du capitaine à Materazzi devant 2 milliards de spectateurs.

Pourtant, lorsque Zidane assène son coup de boule et sort du terrain sur carton rouge, c'est la consternation dans la tribune officielle du stade de Berlin. Les sponsors, qui ont déboursé des dizaines de millions d'euros pour s'offrir « l'homme le plus cool de la planète », font la grimace. Adieu, veaux, vaches, cochons : les consommateurs ne vont-ils pas bouder les yaourts, rasoirs, téléphones portables, voitures et autres contrats d'assurances estampillés Zizou ?

Dès lors, il va falloir coûte que coûte sauver le soldat Zizou. Surtout après l'édito ravageur à la une de L'Equipe : « Zinedine, savez-vous que le plus difficile ce matin n'est pas d'essayer de comprendre pourquoi les Bleus, vos Bleus, ont perdu, hier soir (...). Mais d'expliquer à des dizaines de millions d'enfants (...) comment vous avez pu vous laisser aller à assener ce coup de tête. » Le sang du PDG de Danone, Franck Riboud, ne fait qu'un tour. L'ami de « Ziz » ne supporte pas qu'on critique son protégé. Le lendemain, Claude Droussent, directeur de la rédaction de L'Equipe, présente ses excuses. Ce même numéro de L'Equipe est enrichi sur une pleine page d'une pub Danone où l'on voit Zidane.

L'Equipe donne le coup d'envoi d'un spectaculaire retournement. Derrière Chirac, c'est la classe politique qui vient à la rescousse de la légende. Le geste inacceptable se transforme en une réaction « compréhensible », voire salutaire, face, dit-on, à des « insultes racistes » dont on découvrira plus tard, grâce à un décryptage labial, qu'elles ne le sont pas. Désormais pour la France, le vrai coupable, c'est Materazzi. Le Parisien commande dans l'urgence un sondage dans lequel 61 % des Français disent pardonner au joueur sa brutalité. Aussitôt, les annonceurs battent du tambour : Zidane est un homme comme tout le monde.

Déjà, en 2002, Le Monde avait pu le constater. Le quotidien publie alors une interview du joueur, dont le titre à la une, « Au Real Madrid, j'ai arrêté la créatine », déclenche les foudres du clan Zidane. Se sentant trahi, le champion décroche son téléphone pour expliquer qu'il n'accordera plus jamais d'interview au Monde. Zidane et le dopage ? Le sujet est quasi tabou en France. En octobre 2003, Johnny Hallyday, à l'émission Merci pour l'info, de Canal + révèle qu'il a séjourné dans une clinique suisse de remise en forme dont la spécialité consiste à prélever du sang, à l'oxygéner et à le réinjecter. Avec cette précision stupéfiante : l'adresse lui a été recommandée par Zizou, qui y va deux fois par an. Une information reprise par Le Monde 3 ans plus tard dans l'indifférence générale.

La violence de Zidane est tout aussi taboue. Détenteur de 14 cartons rouges, dont 12 directs, on a pourtant semblé découvrir à l'occasion du « coup de boule » à Materazzi son caractère bien trempé.

Pour défendre son image, le meilleur footballeur français de tous les temps peut compter sur une garde rapprochée. Dans le rôle de bodyguard, sa femme Véronique. Une fille de Rodez dont le père travaillait aux abattoirs de la ville. Cette Aveyronnaise d'origine espagnole a toujours su cadrer son mari. Pour expliquer aux dirigeants de la Juventus qu'il voulait partir au Real, Zidane a fait valoir que la mer manquait à sa femme. « La mer à Madrid, c'est devenu un sujet de plaisanterie chez les tifosis », explique Maurizio Crosetti, journaliste à La Repubblica, spécialiste de la Juventus.

Dans le capital de la société, installée dans les quartiers nord de Marseille, on trouve Zizou, sa soeur, un autre de ses frères et Véronique. Et puis il y a Alain Migliaccio. Cet agent est un des personnages les plus puissants du foot. Ex-agent de Cantona, il est un proche de Tapie et de Jean-Pierre Bernès, l'ancien directeur général de l'OM, condamné à 2 ans de prison pour corruption. C'est à Bordeaux en 1994 que Migliaccio est devenu le mentor de Zidane, qui lui doit son transfert au Real pour 76 millions d'euros, un record. La rumeur veut qu'en contre-partie Zidane ait joué au recruteur pour remplir l'écurie de son agent.

C'est de sa somptueuse villa de Marbella queMigliaccio veille sur les intérêts de Zidane. Ainsi, à la fin du Mondial 1998, il décide qu'il faut pour son poulain une biographie digne de ce nom. Il choisit Dan Franck, prix Renaudot 1991. Zizou aurait touché 2 millions de francs d'avance pour ce livre, très politiquement correct, vendu à 32.000 exemplaires (Zidane, le roman d'une victoire, Pocket).

Aux lendemains de la finale, c'est encore Migliaccio qui appelle Michel Denisot pour lui proposer une interview de Zidane au cours de laquelle le footballeur doit expliquer son coup de tête. Une intervention peaufinée au millimètre. Jusqu'à cette vareuse militaire qu'arborait Zidane. « Ce n'était pas un hasard, ce côté guerrier, analyse Florence Deronce, qui gère le baromètre d'image des sportifs réalisé par le cabinet d'études Athlane. Cet habit lui donnait un air moins effacé qui a pu corriger le manque d'assurance que les gens associent à son image. » Un point faible pour les sponsors. L'autre point faible de Zizou est son manque de séduction. Dans son livre L'histoire secrète des Bleus (1), le journaliste Eric Maitrot use de cette juste formule à propos de Zidane : « L'homme qui ne s'appartient plus. » Les preuves sont multiples.

Ainsi, Robert Louis-Dreyfus, l'ancien PDG d'Adidas, l'équipementier du Real, a pesé pour que Zidane, son « produit » phare, rejoigne le club madrilène.

Et c'est un « homme de Danone », Jacques Bungert, directeur associé de Young & Rubicam, l'agence de pub de la firme agroalimentaire, qui a orchestré la promo du film Zidane, un portrait du XXI e siècle, réalisé par deux artistes contemporains et présenté à Cannes.

Autre homme de l'ombre : Serge Kotchounian, à la tête d'Image In, qui a scellé les premiers contrats de Zidane avec Canal Satellite et celui signé en 2002 avec Orange. Ces contrats représentent un peu plus de la moitié des revenus de Zidane, évalués à 13,5 millions d'euros par an. Dans le monde des chroniqueurs sportifs, on susurre que « Zidane aime l'argent. » On évalue à 40 millions d'euros sa fortune.

Un trésor de guerre investi pour l'essentiel dans la pierre, en France et en Espagne. Il vient d'ailleurs de vendre un appartement avenue Foch et a fait construire une villa dans le quartier chic de Conde d'Orgaz, à Madrid. Zidane ne se déplace qu'en jet privé, roule en Ferrari Testarossa ou en 4 × 4 Lexus. En contrepoint, tout le monde s'accorde à dire que Zidane est très généreux.

D'abord avec sa famille. Il y a cette propriété achetée dans l'Aveyron et dans laquelle vivent ses beaux-parents, ou encore cette maison en Provence offerte à sa soeur. « Il donnerait sa chemise à sa famille, affirme Nassim Khelladi, le directeur du centre social de la Castellane. Il n'a jamais oublié non plus le quartier de la Castellane où il a grandi. » Dans son ancienne cité, la star a financé l'espace multimédia. Et c'est lui qui a payé le voyage des minots de la Juve, du Real et des Girondins pour qu'ils participent au Tournoi des moins de 13 ans, organisé par le club dirigé par son frère Farid à la Castellane. Zidane est aussi l'ambassadeur itinérant du programme de l'ONU pour le développement et le parrain d'ELA, une association européenne qui lutte contre une maladie génétique. Catastrophe AZF à Toulouse, marée noire de l'« Erika », tremblement de terre en Algérie, Zidane a toujours répondu présent pour les matchs de l'association France 98. « Il vient en jet privé, sur ses propres frais, ce qui n'est pas le cas de tous les joueurs », souligne son secrétaire général, Henri Emile.

Généreux, mais pas pour autant « homme d'engagement ». Zidane ne s'exprime jamais, même s'il est un musulman convaincu, admirateur de l'engagement de Mohammed Ali. Le footballeur d'origine kabyle n'a guère été plus bavard sur l'Algérie. S'il a gardé la double nationalité, son dernier voyage remonte à 1986. Lors de France-Algérie en octobre 2001, le beur a vécu comme un traumatisme l'interruption du match après l'envahissement du terrain par les jeunes des cités invités par les associations. Au moment des émeutes en banlieue, il a fallu la pression de Jamel Debbouze pour qu'il prenne position contre Le Pen entre les deux tours de la présidentielle.

Pourtant, Zizou revendique son identité de gamin des cités issu de l'immigration. Elevé dans la tradition kabyle avec un fort respect pour son père, Smaïl, ancien magasinier chez Casino, et sa mère, Malika, Zinedine consacre beaucoup de temps à ses 4 garçons. Ce qui ne l'empêche pas de croquer la vie à pleines dents.

Il apprécie le vin et les bonnes tables. A Paris, il affectionne « La Cantine du faubourg », le restaurant du George-V ou le très chic restaurant italien « Le Stresa ». Fin gourmet et boute-en-train. « La plupart du temps, c'est lui qui me fait rire, raconte Jamel Debbouze. Zizou est un vrai gamin de quartier, il a baigné dans la déconnade. Zidane est un bon vivant, il ne faut pas oublier qu'il vient de Marseille. » (2)

Comme beaucoup de gamins des cités, il réagit toujours vivement à l'injustice. On ne touche pas à son honneur et à sa famille. Zidane se sent incompris. Incompris sur le terrain où son jeu à l'ancienne, ses gestes artistiques détonnent dans un football toujours plus physique et brutal. Incompris et seul. Dan Franck, son biographe, se souvient de ce coup de blues de Zidane : « Il avait 27 ans. Il m'a dit Je ne sais pas si j'ai réussi ma vie, je ne vois plus mes amis, ma famille... Je ne sais pas ce que je ferai quand j'arrêterai le foot... » JEAN-MICHEL DÉCUGIS, CHRISTOPHE LABBÉ, OLIVIA RECASENS ET FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN (avec Dominique Dunglas à Rome et François Musseau à Madrid) © Le Point 1. L'histoire secrète des Bleus, d'Eric Maitrot et Karim Nedjari (Flammarion). 2. Paris Match

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