Faut avoir des idées quand même...
Moi, maintenant à chaque fois que quelqu'un que je ne connais pas m'appelle, je me demande toujours si ce n'est pas un coup de Gérald Dahan...
LA POLICE JUDICIAIRE, qui a déjà interpellé de faux évêques, des émirs
bidon ou encore des aristocrates d'opérette, avait rarement rencontré
aussi extravagante escroquerie. L'affaire mêle des responsables
d'agences bancaires qui ont pioché dans la caisse pour «déjouer un
complot terroriste». L'auteur de l'entourloupe, un certain Gilbert, se
faisait passer pour un agent de la DGSE. Il tirait les ficelles depuis
Israël. Le préjudice s'élèverait à plus de cinq millions d'euros. Il
aura fallu plusieurs semaines d'investigations de la première Division
de police judiciaire (DPJ) pour élucider l'affaire.
Le 26 juillet dernier, la directrice d'une agence de La Poste reçoit un
appel d'un homme qui se fait passer pour Jean-Paul Bailly, PDG de
l'établissement public. Il lui ordonne de se mettre au service d'un
agent de la DGSE qui doit l'appeler prochainement. Sa mission consiste
à déjouer un attentat dans Paris. Une heure plus tard, le téléphone
sonne à nouveau : l'agent secret appelle. D'emblée, il lui dit
d'acheter un téléphone portable – son poste de travail n'étant pas
sécurisé – pour joindre un numéro à Londres. L'employée, paniquée,
s'exécute. Au bout du fil, l'espion lui attribue un prénom de code
avant d'ajouter : «Attendez les instructions et ne coupez jamais le
mobile !»
Pendant deux jours, la directrice est harcelée jour et nuit par une
quarantaine d'appels. L'agent traitant exige qu'elle demeure en alerte
absolue. «Le faux officier de la DGSE a attendu que la directrice soit
en condition, c'est-à-dire à bout de nerfs, avant de lui demander les
noms de ses six plus gros clients», confie un enquêteur. L'escroc
sélectionne alors un nom au hasard, et le désigne comme le financier
des attentats en préparation. Il explique à sa victime que ce dernier
serait sur le point de se rendre au guichet pour retirer 500 000 euros
en espèces.
Pour remonter la filière terroriste, la directrice se voit alors
ordonner de vider ses caisses, soit 358 000 euros, afin de piéger les
liasses avec des puces électroniques. L'agent lui garantit que les
billets lui seront retournés aussitôt la manipulation effectuée.
Rendez-vous est pris dans une brasserie de la place de la Nation, où la
banquière remet l'argent à une inconnue sous la porte des toilettes.
«Elle n'en verra plus jamais la couleur», explique un policier.
Le faux
agent secret a essayé en vain d'abuser vingt-cinq autres responsables
d'agence en France.
Depuis le mois dernier, l'escroc visait plus haut en appelant
directement les responsables des virements internationaux au siège de
grandes banques. L'une d'entre elles avait notamment transféré 5,18
millions d'euros sur un compte en Estonie. La somme avait été
immédiatement débitée. Grâce à de multiples recoupements téléphoniques,
la 1re DPJ a localisé l'escroc qui se cache en Israël. Son épouse et la
mère de celle-ci, soupçonnées de complicité, ont été interpellées lundi
à leur domicile de Courbevoie (Hauts-de-Seine).