La France vue d'ailleurs...
Dans e cas de cet article, des Pays Bas, du journal Volkskrant, quotiien de centre gauche d'Amsterdam.
On a donc voulu tuer le messager pour
supprimer le message. Pour avoir
récemment parlé du caractère « ethnico-
religieux » des émeutes qui ont
secoué la France en novembre 2005, le
philosophe Alain Finkielkraut a fait l’objet d’une
attaque médiatico-politique en règle. Car dans la
présentation dominante des faits, l’origine africaine
et nord-africaine de la plupart des jeunes émeutiers,
principalement musulmans,
ne comptait pour rien.
Pourtant, Alain Finkielkraut a
usé d’un argument convaincant à
l’encontre de ses détracteurs politiquement
corrects. Si le problème des
banlieues estune question
d’emplois et de logements, pourquoi s’obstinentils
à proposer des solutions ethniques, plutôt que
socio-économiques ? Jacques Chirac et Dominique
de Villepin sont en effet les premiers à proclamer
qu’il faut mettre un terme à la discrimination
sur le marché du travail : une référence directe à
l’origine ethnique.
La France a pour principe que tous les citoyens
sont égaux, indépendamment de la couleur de
leur peau, de leur religion ou de leur pays d’origine.
C’est un bel idéal. Mais en pratique, il crée un
certain nombre de trous noirs. Il est impossible de
diagnostiquer la composante ethnique des problèmes.
En France, on étudie peu, voire pas du tout, le
lien entre criminalité et origine ethnique, alors
que, par exemple, l’origine africaine et nord-africaine
de la majorité des quelque 60 000 détenus
n’est un secret pour personne. Il n’existe pas non
plus de statistiques fiables pour mesurer la participation
des jeunes d’origine maghrébine à la vie
active. Enfin, en matière d’éducation, pas question
d’évoquer publiquement la composition ethnique
de certains établissements
scolaires.
Or à force de s’agripper à cet
idéal d’égalité, le fossé entre l’élite
et M. Tout-le-Monde se creuse.
On a pu le constater lors du débat
sur la Constitution européenne.
A l’époque, alors que la classe politique et les
médias conseillaient de voter oui, la majorité de la
population faisait entendre un non véhément.
Face à la pensée unique sur les émeutes dans les
banlieues, le fossé n’a fait que se creuser davantage,
apportant de l’eau au moulin de politiciens comme
Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen, qui
parlent à voix haute de « guerre civile ethnique ».
Leurs partis respectifs voient d’ailleurs le nombre
de leurs adhérents fortement progresser. Seul le
ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, a su parler,
en employant des mots trop rudes (« racaille »
pour les émeutiers), le langage de la rue.
Comment peut-on éviter cette montée de populisme
de droite, voire d’extrême droite ? En tout
cas, pas en associant Alain Finkielkraut à quelqu’un
comme Jean-Marie Le Pen, comme on a pu
l’entendre. Ni en voulant lui intenter un procès,
comme le MRAP, l’organisation antiraciste, l’a
envisagé. En faisant preuve d’une telle intolérance,
le politiquement correct s’est montré sous son
jour le plus sombre. Il serait pourtant utile de briser
les tabous afin de pouvoir débattre librement.
C’est ce que les Pays-Bas ont fait,mêmesi les résultats
sont mitigés : l’islamophobie s’en est, en effet,
trouvée renforcée, et les étrangers s’y sentent
aujourd’hui mis sur la sellette. Mais le pays tout
entier réfléchit à des solutions.
On ne peut pas en dire autant de la France, où le
climat dans lequel se déroulent les débats est devenu
étouffant. A Paris comme ailleurs dans le pays,
critiquer l’islam, c’est risquer de se retrouver sur le
banc des accusés. L’écrivain Michel Houellebecq
en a fait l’amère expérience. Entre les extrêmes
que l’on a pu observer dans le débat néerlandais et
le pesant silence français, il doit y avoir moyen de
trouver un juste milieu.